Philippe Renard
Le Paris, Hôtel Lutétia - Paris
L'apôtre de la bonne cuisine
« MANGER MOINS, MAIS MIEUX. »
Ses origines sont champenoises, bretonnes et auvergnates. Comment aurait-il pu ne pas se passionner pour la gastronomie ? Philippe Renard est né à Suresnes, sur le Mont-Valérien. « J’ai toujours vu Paris de cette colline et j’ai toujours eu envie d’y vivre et d’y travailler », confie celui qui est aujourd’hui chef d’un restaurant étoilé de Saint-Germain-des-Prés.
Tout petit, il découvre la cuisine avec l’une de ses grand-mères. Celle-ci est bretonne. A quatre heures, lorsque le petit Philippe rentre de l’école, elle lui prépare un goûter. Non pas des biscuits avec un morceau de chocolat, mais plutôt un sauté de veau ou des galettes de sarrasin aux œufs et aux saucisses fumées. En lui faisant découvrir ainsi les bons produits et les recettes traditionnelles, elle instille en lui la passion de la cuisine.
C’est d’ailleurs chez elle que Philippe commence à préparer ses premières recettes. Il se souvient avoir confectionné des galettes de sarrasin, mais est persuadé que ce n’est pas par là que tout a commencé. « Je mangeais beaucoup. Je mangeais énormément, et j’adorais les tomates farcies. C’est peut-être même cela que j’ai fait en premier, ou le hachis parmentier », déduit-il.
Car la grand-mère de Philippe aime recevoir. Lorsque, après un repas, il reste de la viande, elle la conserve pour en faire de la farce, qui servira à farcir les tomates ou à préparer le hachis parmentier – un plat « à mourir » selon son cuisinier de petit-fils, incapable d’en oublier le goût encore aujourd’hui. C’est donc peu dire que sa grand-mère l’a inspiré. Aujourd’hui au Paris, le restaurant gastronomique du Lutetia, Philippe Renard propose à la carte son propre hachis : le parmentier de lièvre avec sauce à la poivrade.
Avant d’arriver dans les cuisines d’un prestigieux hôtel, le jeune cuisinier n’apprend pas tout auprès de sa grand-mère. Il fait son apprentissage auprès de grands noms de la gastronomie française : d’abord avec le chef du Café de la Paix Georges Dury, Meilleur Ouvrier de France. Puis chez Lameloise, Troisgros et Loiseau. Il rejoint Roland Durand au Sofitel de Paris, sans se douter alors qu’il passera dix ans avec ce chef, Meilleur Ouvrier de France lui aussi. « Je voyageais dans le monde avec lui. C’était assez amusant d’aller se balader au Japon, en Inde, dans toutes sortes d’endroits pour faire découvrir notre cuisine française pendant les semaines gastronomiques qu’on faisait ensemble », s’enthousiasme-t-il.
C’est aussi Roland Durand qui lui fera saisir les bonnes opportunités. A la fin de leur collaboration, le chef le dirige vers le Sofitel Bourbon, à deux pas de l’Assemblée nationale. Le restaurant recherche quelqu’un pour reprendre les rênes de ses cuisines. Philippe se présente et obtient sa première place de chef dans cet hôtel, avant qu’il ne ferme pour être racheté par un concurrent. Philippe Renard n’abandonne pas, part travailler au Scribe, où il remet la restauration à un bon niveau avant de quitter l’établissement pour le Lutetia, où il officie depuis vingt ans.
Sa particularité : les directeurs de l’hôtel changent, mais le chef, lui, reste le même. Le Lutetia a aussi son rituel en mars : pendant trois semaines, il est possible d’y déguster un œuf d’oie à la coque. Au début du mois, l’œuf est accompagné de truffes fraîches, les dernières de la saison. Puis les premières morilles de l’année viennent prendre le relais dans cette recette pour les gourmands, que le chef présente comme une entrée plutôt copieuse.
Aux amateurs des nourritures marines, le chef propose son homard des côtes bretonnes préparé en fricassée. Le crustacé est simplement ébouillanté cinq à six minutes avant d’être décortiqué et servi accompagné d’un jus à la citronnelle ou, en octobre, de haricots cocos de Paimpol et de chou vert avec du chorizo. Le Paris sert du homard onze mois sur douze – il n’en propose pas pendant la période de mue car sa qualité est moins bonne.
A l’automne 2010, lorsque le Lutetia a accueilli la remise du prix Taittinger, Philippe Renard a misé sur le mélange terre-mer. Il a servi son homard avec une compotée de chou vert et de morceaux de monsieur, c’est-à-dire de groin, de queue et de pieds de cochon. « Ces morceaux-là étaient préalablement cuits. On les a coupés en morceaux, on les a fait suer avec un peu d’échalotes et de l’ail et on les a mélangés avec le chou pour les faire cuire tout doucement avec un peu de jus de poule et de homard. Et à la fin, on a mélangé notre homard dedans », explique-t-il. Philippe Renard réserve ce plat à la saison froide. L’été, il prépare plutôt son homard aux épices et notamment à la vanille de Madagascar, pas du tout sucrée mais dont la pointe d’amertume se marie bien avec le goût du crustacé, selon le chef.
Depuis son grand restaurant situé en plein centre de Paris, Philippe Renard est capable de faire un tour de France des gastronomies locales, passant par le backeoff alsacien mais aussi par la potée auvergnate de Thiers. Des plats qui lui font repenser avec émotion à l’inscription récente par l’Unesco du repas gastronomique français au patrimoine immatériel de l’humanité. « C’est une vraie fierté, parce que quand on regarde la France de l’extérieur, tous les francophiles qui veulent venir le font pour boire et pour manger ! » s’exclame le chef, qui souhaiterait que tous privilégient la qualité sur la quantité. « Mangez mieux. Mangez moins, mais mieux », suggère-t-il aux vrais gourmands. De fait, il prête à la gastronomie des vertus insoupçonnées parmi lesquelles celle de faire taire toutes les divergences, de ne laisser aucune place à la polémique et au débat. « Quand il s’agit de l’art de la table, automatiquement, la droite et la gauche sont d’accord… », lance-t-il comme une conclusion.