Eric Fréchon - Le Bristol - Paris
Histoire d’un Normand trois étoiles
« IL N'Y A PAS DE BONNE CUISINE SANS BON PRODUIT »
En 2009, Eric Fréchon s’est vu accorder le titre de chef de l’année et trois étoiles au guide Michelin, dix ans après avoir obtenu la première. Une belle récompense pour celui qui s’amuse à déclarer : « Mon grand-père cultivait les légumes, mon père les vendait et moi je les cuisine. »
Avant les étoiles et la Légion d’honneur en 2008, Eric Fréchon est passé par un certain nombre de grandes tables parisiennes. Né dans la Somme et élevé en Normandie, Eric découvre son intérêt pour la cuisine par hasard. A cette époque, c’est surtout le vélo qui l’intéresse.
Lorsqu’il a 13 ans, il demande à son père s’il peut en avoir un. Celui-ci lui répond : « Il faut que tu ailles travailler pour te l’acheter. » Ce que fait le jeune garçon : il frappe à la porte d’un restaurant de bord de mer au Tréport pour un emploi saisonnier. Le restaurant l’accepte. Il y fera ses premiers pas dans l’univers de la restauration.
L’histoire ne dit pas si Eric Fréchon a acheté son vélo après cette expérience. Ce qu’elle raconte en revanche, c’est que le monde de la cuisine le fascine immédiatement. Après ce premier été dans un restaurant, Eric décide de s’inscrire à l’école hôtelière de Rouen pour y passer un BEP, qu’il décroche haut la main, se classant parmi les meilleurs étudiants de sa promotion.
C’est à Paris qu’il trouve son premier poste de jeune diplômé, comme commis à la Grande Cascade, sous les ordres de Jean Sabine. Il prend ensuite la direction d’un établissement parisien prestigieux qu’il sera amené à fréquenter de nouveau ensuite : l’hôtel Le Bristol. Là, Eric Fréchon exerce comme commis. Il y travaille un an avant que ne vienne l’heure du service militaire, qu’Eric fera au service sommellerie du Cercle national des armées.
Il revient ensuite à ses cuisines parisiennes et rejoint un autre restaurant gastronomique parisien, le Taillevent. Eric y débute en tant que commis avant d’être rapidement nommé chef de partie par Claude Deligne. Mais au bout de deux ans, le jeune Normand souhaite voir d’autres horizons.
Il quitte Paris pour l’Espagne afin d’y découvrir la cuisine méditerranéenne, qu’il ne connaît pas du tout. Deux ans passent encore pendant lesquels Eric est bien entouré, travaillant avec Patrick Bausier à l’Hôtel Byblos Andaluz de Fuengirola. En 1988, Eric Fréchon met un terme à sa parenthèse espagnole et reprend la carrière qu’il avait commencée bien des années plus tôt dans les restaurants gastronomiques parisiens. A son retour d’Andalousie, c’est le chef Olivier Martinez qui lui donne sa chance, en tant que second de cuisine à la Tour d’argent. Eric quitte très vite ce grand établissement de la capitale pour un autre tout aussi prestigieux : l’hôtel de Crillon. Sous la direction de Christian Constant, Eric Fréchon y occupe pour la dernière fois la place de second. Pendant sept ans, le cuisinier déjà expérimenté cherche à s’imprégner de l’esprit particulier qui se dégage de la cuisine de Christian Constant. Le chef a beau travailler dans un restaurant très réputé, il privilégie les produits du terroir. Toute sa cuisine reflète une certaine convivialité qu’Eric souhaite s’approprier.
Une tâche qu’il réussit sans peine. En 1993, cinq ans après avoir rejoint le restaurant Les Ambassadeurs, au Crillon, Eric Fréchon succède à Christian Constant en devenant le chef du restaurant gastronomique de l’hôtel. La même année, il décroche le fameux titre de Meilleur Ouvrier de France.
Dans cette ascension fulgurante du jeune cuisinier normand, seule manque l’ouverture d’un restaurant. C’est chose faite en 1995, quand le chef du Crillon lance la Verrière d’Eric Fréchon, un bistrot gastronomique où dînent des amateurs venus du monde entier.
Eric est chef au Crillon depuis six ans lorsqu’on lui fait une proposition difficile à refuser : reprendre les rênes du restaurant gastronomique de l’hôtel Le Bristol, dans lequel il avait fait ses premières armes comme commis d’Emile Tabourdiau. Il s’agit de regagner les étoiles perdues une à une par l’établissement. Eric se sent prêt à relever le défi. En 1999, le Bristol récupère la première étoile qu’il avait perdue quinze ans plus tôt. Deux ans plus tard, la deuxième étoile apparaît dans le guide Michelin. Le pari sera entièrement réussi en 2009. Dix ans après l’arrivée du chef, la troisième étoile vient récompenser le travail d’Eric Fréchon.
Entre-temps, celui-ci s’est investi pour diffuser sa vision de la cuisine : une cuisine traditionnelle construite sur des produits de qualité, mais revisitée de manière à rendre les plats plus modernes et plus légers. Le chef a publié plusieurs livres, proposant d’abord de guider les gourmands vers les produits qu’ils ne peuvent pas se permettre de manquer, puis leur suggérant des recettes faciles à réaliser ou qui lui sont chères, dans Eric Fréchon : un Chef dans ma cuisine, Eric Fréchon : un Chef pour recevoir chez soi et Eric Fréchon.
« Les cuisiniers ne sont pas compliqués. Ils aiment les bons produits et cuisiner le plus simplement du monde », insiste-t-il. Le chef a beau ne pas être très sucré, il ne résiste pas à une bonne tarte aux pommes préparée avec une pâte brisée et une compote recouverte de pommes au beurre et au sucre. Une seule condition : que ce soit la tarte de sa maman, préparée au Tréport quand Eric Fréchon revient en visite dans sa région natale. Des exigences simples que l’on retrouve bien dans la cuisine du chef, authentique, généreuse et très familiale. Une cuisine trois étoiles.